J’ai longtemps cru qu’il me fallait énormément de temps pour “enregistrer” les visages. Je pensais que, si je voyais assez souvent une personne, son visage finirait par s’ancrer dans ma mémoire.
Avec le temps, je me suis rendu compte que ce n’était pas vraiment le visage dont je me souvenais, mais tout ce qu’il y a autour : la voix, la coiffure, la façon de marcher, la corpulence, parfois même le style vestimentaire ou le contexte dans lequel je voyais la personne.
Lorsque je ferme les yeux et que je pense à un proche, mille détails me reviennent — des souvenirs, des gestes, des odeurs, des émotions — mais le visage reste un mystère. Tout au plus quelques informations apprises par cœur : elle a les yeux bleus, il porte une barbe, elle a des cheveux longs.
En réalité, je reconnais les gens grâce à ces informations annexes, pas grâce à leur visage. C’est un peu comme si je faisais un puzzle d’indices, plutôt que d’avoir une image claire et stable en tête.