Afterwork au bureau. Quelqu’un m’aborde : « Salut ! On s’est croisés la semaine dernière. » Mon cerveau, lui, affiche fond d’écran. Zéro visage.
Je laisse parler dix secondes — et là, tilt. La voix. Je replace tout : c’est la personne qui m’avait dit que son chat s’appelait Biscotte et qu’elle détestait la coriandre. Personne ne retient ça. Moi, si. Les trucs insignifiants dits une fois, c’est mon super-pouvoir.
C’est ça, ma boussole : je reconnais très bien les voix (au point de bluffer mon entourage) et les postures — la façon de se tenir, d’appuyer sur un pied, d’entrer dans une pièce. Le visage, lui, glisse, surtout quand je n’ai pas passé du temps de qualité avec la personne. Les relations « bonjour–au revoir » ne me laissent pas d’empreinte faciale.
Et puis, il y a l’autre phénomène, bizarre mais vrai : parfois je « l’imprime » tout de suite. Une barista vue trente secondes, sans vraie discussion… et je la reconnais chaque matin. Pourquoi elle et pas d’autres ? Aucune idée claire. Peut-être une combinaison de timbre, de gestes, d’un détail saillant (une mèche, une bague), et paf, le cerveau accroche.
Au quotidien, j’ai donc mon protocole discret : je laisse parler (voix = ancre), je cherche un indice contexte (« On s’était vus à la réunion sécurité ou au café d’en bas ? »), je me fabrique des repères (démarche, accessoire), et si je patine, je passe en franc-jeu : « Tu me redonnes ton prénom ? Je préfère vérifier que de me tromper. »
Je retiens les histoires, les voix, les détails, plus que les visages. Parfois ça me joue des tours, parfois ça me sauve la mise. Dans tous les cas, c’est mon mode d’emploi pour faire le lien.