Je suis enseignante de la conduite. Tous les jours, je rencontre des dizaines d’élèves… souvent de la même tranche d’âge, jean-baskets-sac à dos. Autant dire : version “copier-coller”. Résultat, reconnaître le bon élève sur le parking, c’est mon slalom quotidien.
Ma technique préférée ? J’attends que mes collègues partent chacun avec leur élève. Quand la poussière retombe, il ne reste qu’une possibilité. Facile. Sauf que, bien sûr, ce n’est pas toujours possible. Dans ces cas-là : au petit bonheur la chance. Et c’est gênant quand je me trompe, surtout si j’ai déjà eu la personne la veille. (Sourire crispé, « on révise les priorités ? » avec un élève… qui n’est pas le mien.)
Période masques ? Ironiquement, c’était mon âge d’or : en cas d’erreur, l’excuse était servie. Sans masque, je m’accroche à des signes distinctifs — bague large, lunettes rondes, sac jaune. Problème : ces repères changent aussi vite que la météo. Lundi, lunettes ; mardi, lentilles ; et me voilà à dire bonjour à la mauvaise personne, devant ma Clio.
Paradoxalement, je reconnais mieux des gens croisés souvent dans le même décor : les voisin·e·s du quartier, le fleuriste du coin. Je pense qu’il y a des degrés dans la non-reconnaissance : plus c’est répété et contexte stable, mieux ça colle. Déplacez quelqu’un de son environnement habituel — un élève croisé au supermarché, un collègue sans son gilet — et mon cerveau fait un reset. Même personne, nouvelle scène, identité envolée.