Enfant, j’ai souvent tiré la manche de la mauvaise maman.
Dans la foule, les silhouettes se ressemblaient, les couleurs se mélangeaient,
et je cherchais un repère — une écharpe, une démarche, un parfum familier.
Adulte, je me surprends à être attiré·e par les êtres bariolés,
ceux qui portent sur eux des signes distinctifs,
Leur excentricité m’apaise : elle me permet de les retrouver.
Dans ma mémoire, les visages s’effacent vite,
ils glissent, se dissolvent.
Mais les voix restent.
Les gestes aussi.
Et les émotions, elles, se gravent profondément.
Paradoxalement, plus j’aime quelqu’un, plus son visage disparaît.
À la place, il y a un trou lumineux : un regard ressenti,
une chaleur, une présence sans contours.
Je ne retiens pas les visages,
je retiens les instants.