Au bureau, je croise un gars avec une moustache en guidon. Dans ma tête : Capitaine Moustache, navigateur de l’open space, maître de la cafetière italienne. Une collègue a des lunettes rouges ? Madame Ferrari, elle fonce toujours entre deux réunions. Le voisin du dessus porte un bonnet jaune : Monsieur Canari, qui chante en montant les escaliers.
Je colle des petites fictions sur les gens comme des post-its. Ça marche… jusqu’au jour où les post-its se décollent.
Un matin, Capitaine Moustache arrive rasé de près. Qui est cet inconnu poli qui connaît mon prénom et mon café sans sucre ? Panique discrète. Je scrute : pas de bonnet, rien. Je souris quand même, au cas où. Il parle — même timbre, même blague nulle sur « lundi c’est surfait ». Ah ! C’était lui. Capitaine, sans moustache, mais avec la même météo intérieure.
Dans ma tête :
Je n’ancre pas les visages ; j’ancre des caractéristiques marquantes (moustache, lunettes, bonnet) que je transforme en mini-histoires. Ça déplace la reconnaissance vers ma mémoire verbale/associative. Si le détail change, mon index mental ne retrouve plus la “fiche” et je perds la personne… jusqu’à ce qu’un autre indice stable (la voix, la démarche, une blague récurrente) me reconnecte. 
Moralité : si vous rasez votre barbe ou changez de lunettes le même jour, mettez un T-shirt « c’est toujours moi ».