Dans ma rue, tout le monde me dit bonjour. Moi aussi. Le problème, c’est de savoir à qui je le dis.
Avec mes voisin·e·s, il me faut plusieurs interactions — ou une rencontre marquante — pour que leur visage “reste”. Ce que je retiens d’abord, ce sont des morceaux : une ride qui plisse quand iel sourit, une moustache qui frétille, la manière de porter les sacs de courses, un sourcil qui se lève avant de parler. Le visage vient avec… plus tard, comme si mon cerveau mettait l’étiquette après le descriptif.
Même hors humain, c’est pareil : je ne reconnais jamais les voitures. La mienne ? Difficile, à moins d’être tout près et qu’elle ait un détail bien distinctif. Dans un parking rempli de clones, je peux tourner longtemps avant de repérer l’autocollant sur la vitre ou la petite rayure côté pare-chocs. Tant qu’il manque le petit signe qui fait tilt, tout se ressemble.
Et pourtant, j’ai souvent l’impression “de reconnaître les visages”. En réalité, je reconnais des expressions, des postures, des indices qui reconstituent la personne — un puzzle qui se complète au fil des rencontres. Quand ces éléments se répètent, tout s’assemble et le salut devient naturel, sans hésiter. Jusqu’au prochain voisin en doudoune noire, même bonnet, même démarche… et on recommence le tri, avec le sourire.