J’aurais bien aimé que le site le mieux référencé fournisse des informations pertinentes et sourcées. Mais c’est assez déceptif.
Quelques perles
👉 “La prosopagnosie est un trouble rare.”
Rare ? En réalité, 2 à 3 % de la population seraient concernés. Une personne sur 50. En France, cela représente plus d’un million de personnes. Pas si rare, finalement. La prosopagnosie est plutôt courante mais méconnue. Une maladie est dite rare quand elle touche moins d’une personne sur 2 000. On est très loin du compte.
👉 “Les personnes atteintes de prosopagnosie ne seraient pas en mesure de distinguer les traits caractéristiques d’un visage.”
Ah bon ? Toutes les études disent l’inverse : les prosopagnosiques voient très bien les traits. Les yeux, le nez, la bouche… tout est net. Ce qui manque, c’est l’association : impossible de retrouver à qui appartient ce visage. Avec une présentation sensationnaliste, on risque de mal orienter une personne prosopagnosique : “je distingue les traits, donc je ne suis pas concerné·e”… alors qu’elle l’est peut-être.
👉 “Découvrez comment se manifeste ce trouble, et quels sont ses causes et ses traitements.”
Les traitements ? Là, mystère. À ce jour, aucun traitement médical n’existe. La prosopagnosie est un trouble, pas une maladie. On apprend à compenser, à utiliser d’autres indices (voix, démarche, coiffure…), mais il n’y a pas de pilule miracle. Que ce soit le résultat d’un template mal rempli ou d’un excès de SEO, ça induit une idée fausse.
👉 “Un prosopagnosie voit les visages comme des formes vagues et ne peut pas les distinguer les uns des autres.”
Déjà, on dit “une personne prosopagnosique”, pas “un prosopagnosie”. Ensuite, non : les visages ne sont pas flous. Ils sont nets, parfaitement différenciés. C’est la mémoire du visage qui est absente. Dans la série coréenne My Holo Love, la mise en scène choisit de flouter les visages pour faire comprendre la difficulté — mais c’est une simplification de réalisateur, pas la réalité vécue.
👉 “Limiter les risques de prosopagnosie serait possible avec une alimentation équilibrée et du sport.”
Là, j’ai recraché mon café. On croirait une publicité pour une mutuelle. Bien manger, bouger, c’est top. Mais ça ne va pas faire repousser l’aire fusiforme déficiente dans le cerveau.
Cet article médical a été relu et validé par un médecin spécialiste en neurologie au sein d’un établissement ELSAN, groupe leader de l’hospitalisation privée en France.
Elsan indique que l’article aurait été validé par un neurologue. Alors, je ne vais pas remettre en cause ce médecin (il a sûrement autre chose à faire que de corriger des articles web 😉). Mais ça interroge quand même le processus de validation éditoriale : comment une telle phrase a-t-elle pu passer alors qu’elle contredit le consensus scientifique ?
Je ne suis pas neurologue, j’ai échangé avec trois spécialistes sur le sujet, et aussi avec plus d’une centaine de personnes prosopagnosiques. Verdict unanime : personne ne voit les visages flous. On les voit très bien, nets, précis… Le problème, c’est leur reconnaissance. Nuance fondamentale.
Bref, on a plein d’études, de témoignages, et même des gens prêts à partager leurs expériences pour améliorer l’article. On serait ravi d’aider à corriger le tir, avec plaisir et sans rancune
Le problème derrière l’anecdote
Qu’un site diffuse des approximations, ça peut arriver. Le rédacteur médical ne pense sans doute pas à mal. Il remplit probablement une mission : augmenter la visibilité du site dans les moteurs de recherche afin de remplir le carnet de rendez-vous. C’est le jeu de l’optimisation du référencement, et il faut reconnaître qu’ils sont doués.
Je n’y connais rien en droit, ni dans les réglementations médicales qui autorisent l’information tout en limitant la publicité. Je ne sais pas s’il existe une obligation de moyens ou de résultats dans l’exactitude de l’information diffusée.
Mais, comme le disait l’oncle Ben à Peter Parker : “Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.” Un site aussi bien référencé pourrait profiter de son aura pour publier un article de vulgarisation clair, sourcé, qui aide réellement les personnes concernées… plutôt que de les envoyer sur de fausses pistes.
Il est même un peu risible que leurs mentions légales précisent qu’ils déclinent toute responsabilité en cas d’erreur ou d’omission.
Le vrai problème, c’est que cette page est mieux référencée que d’excellents articles scientifiques (certes, souvent trop techniques), ou même que Wikipédia. Beaucoup d’internautes s’arrêtent au premier lien. Et repartent avec une vision biaisée.
Pourquoi ça compte
Nous, ce qu’on souhaite simplement, c’est que ce trouble soit compris.
La prosopagnosie n’est pas dramatique : on vit très bien avec. On a juste besoin de la comprendre pour mieux compenser.
Le vrai danger, c’est qu’une personne qui se demande si elle est prosopagnosique lise ces approximations et se dise : “Je ne suis pas concernée, puisque je vois net.” Alors qu’elle l’est peut-être, et qu’un passage chez un médecin ou un neuropsychologue pourrait lui apporter un vrai soutien.
Et si ELSAN faisait mieux ?
On leur propose donc :
Que l’article soit signé par un neurologue identifié, qui cite ses sources.
Que le bouton “prendre rendez-vous” mène vers un spécialiste pertinent (et pas vers un chirurgien bariatrique…).
Que le SEO ne serve pas seulement à capter des patients, mais aussi à informer.
Parce qu’au fond, la prosopagnosie n’a pas besoin de sensationnalisme.
C’est un trouble courant, simplement méconnu, qui mérite d’être décrit clairement pour que les nombreuses personnes qui en souffrent puissent se reconnaître.
Cette analyse se fonde sur mes recherches personnelles et mon expérience en tant que personne concernée, et vise à contribuer au débat public. Elle ne se substitue en aucun cas à un avis médical professionnel.
Pour toute question de santé, seul un professionnel qualifié est habilité à poser un diagnostic ou proposer un traitement.
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